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Vendredi 27 octobre 2000
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Inès Jurkovitz de l'équipe de France au VBC Fribourg : " Je voulais arrêter " VOLLEYBALL - Ancienne internationale tricolore au palmarès bien fourni, la volleyeuse a suivi son mari sur les bords de la Sarine. A 37 ans, elle s'est laissé tenter par le VBC Fribourg. "Inés Jurkovitz a signé au VBC-Fribourg! " Pour les jeunes volleyeurs et volleyeuses de la région, la nouvelle n'a sans doute pas fait grand bruit. Mais pour tous ceux qui ont un tant soit peu suivi le cheminement de l'équipe de France il y a de cela quelques années, ce nom n'est pas inconnu, loin de là. Née à Orléans (Loiret) en 1963 d'une mère espagnole et d'un père noir américain, Inès Escobar (son nom de jeune fille) est devenue dans les années 80 l'une des toutes meilleures volleyeuses de France. Avec Cannes, Lyon-Frandieville et Poitiers entre autres, mais aussi en équipe de France dont elle portera le maillot plus de deux cents fois entre 1980 et 1986, elle s'est construit un fort joli palmarès et, surtout, beaucoup, beaucoup de souvenirs. Mariée à Jean-Marc Jurkovitz, lui aussi l'un des meilleurs volleyeurs de sa génération, et maman de Natan (5 ans ) et Thomas (3 ans), Inès est arrivée à Fribourg en juillet dernier pour suivre le destin professionnel de son mari. Rencontre.
Je ne regrette pas d'avoir dit oui, car l'équipe est très sympa Inès JurkoVitz, vous avez quitté Bordeaux en juillet et vous voilà "fribourgeoise" depuis maintenant quatre mois, quelles sont vos premières impressions de vie en Suisse? - La région est vraiment magnifique. Nous avons pu visiter un peu les environs et vu de superbes endroits. Et puis la qualité de vie est très agréable. En fait, nous ne connaissions pas grand-chose de Fribourg avant d'arriver, alors on découvre petit à petit. On savait juste que c'était une ville où l'on parle français, mais à la frontière des langues. C'est pour suivre votre mari, Jean-Marc, que toute la famille est venue s'installer ici. - Jean-Marc a eu l'opportunité de venir travailler chez Cartier (il est logisticien) et tout ça s'est fait très vite. Nous avons trouvé un appartement grâce à Internet et en juillet on était là. Mais ce n'est pas forcément évident de se retrouver dans une ville où l'on ne connaît personne. Jean-Marc, lui, a son boulot, mais moi je suis à la maison et au bout d'un moment c'est difficile. Vous aviez un travail à Bordeaux? - Oui, j'étais analyste-programmeur et j'aimerais d'ailleurs retrouver quelque chose dans cette branche ici. Mais là non plus ce n'est pas facile, dans la mesure où les horaires des crèches ou des écoles maternelles ne sont pas du tout les mêmes qu'en France. Il faut donc trouver quelqu'un qui puisse garder nos enfants en dehors des heures d'écoles. Ce sont des petites choses que nous sommes en train d'organiser. Et le volley dans tout ça ? - Eh bien, en fait, je pensais arrêter, ou plutôt ne pas reprendre, mais le VBC Fribourg m'a contactée. J'ai d'abord dit non et les responsables m'ont quand même rappelée, alors je me suis laisser tenter. Et puis, faire partie d'un club est aussi un moyen de rencontrer et de connaître des gens. Je ne regrette pas d'avoir dit oui, car l'équipe est très sympa. Vous faites en plus un superdébut de saison avec notamment une brillante victoire contre Genève-Elite ... - Je crois que le groupe a un excellent potentiel et un avenir prometteur. Et puis, j'avoue que le type d'entraînement ressemble vraiment à ceux que l'on avait il y a de cela quelques années avec l'équipe de France. Ça me rappelle "le bon vieux temps "... Vous avez été plus de deux cents fois internationale avec l'équipe de France et vous avez joué dans des clubs prestigieux tels que Cannes, Lyon, Francheville ou Poitiers. Quels souvenirs gardez-vous de cette magnifique carrière sportive? - Des souvenirs d'amitié et de voyage à travers le volley qui reste ma passion encore aujourd'hui. Je retiendrais par exemple la grande aventure avec Cannes, où nous étions parties de Nationale III pour monter les échelons et arriver en Nationale I. C'était le but du groupe et du club, et en quatre ans nous avons franchi les quatre niveaux avant de finir vice-championnes de France. C'était en 1990. Il y eut également des Coupes d'Europe , des championnats d'Europe et beaucoup de voyages... - Oui, avec l'équipe de France juniors, puis seniors, on a vécu des choses merveilleuses, les Jeux méditerranéens à Casablanca, les Universiades à Edmonton, et puis des matchs en ex-URSS, aux Etats-Unis, en Europe, en Chine, etc. Ce sont des moments que l'on n'oublie pas, tout comme ma première sélection en équipe de France au championnat d'Europe juniors en Allemagne qui a bien sûr une saveur toute particulière. "C'était l'époque où le volley était pour tout le monde" Vous avez commencé le volley en 1980, vous avez joué au plus haut niveau en étant une des meilleures attaquantes de France et vous mesurez... 1 m69. Etait-ce donc une autre époque? - L'époque où le volley était pour. tout le monde... C'est vrai qu'aujourd'hui ce serait impensable et d'ailleurs jamais je ne pourrais faire ça à l'heure actuelle. Pour les sélections féminines, le minimum est de 1m75. Donc je ne serais même pas retenue. Pourtant, grand ou petit, chacun a ses qualités propres et peut apporter quelque chose à l'équipe, mais à la base aujourd'hui on met en avant le critère physique et c'est dommage. Le volley a beaucoup évolué depuis vos débuts, que pensez-vous de tous ces changements? - Je dirais presque que ce n'est plus le même sport. Quand j'ai commencé, on ne jouait même pas de tie-break au cinquième set, les points se comptaient normalement et le match durait le temps qu'il fallait. Maintenant, avec le rallye-point durant tout le match, c'est complètement différent. Ça va plus vite, on prend moins de risques, il y a aussi moins de suspense, car à 14-2 une équipe pouvait toujours revenir, mais à 24-12, par exemple, c'est quasiment impossible. Et puis, l'arrivée du libero et là spécialisation de plus en plus poussée des postes font que les joueurs sont de moins en moins complets techniquement. Moi qui étais centrale, j'attaquais aussi sur l'aile ou en poste deux, je réceptionnais, je défendais, je servais, etc. Le principe du volley, où tous les joueurs tournent sur le terrain, était bien celui de savoir tout faire. Aujourd'hui, tout cela se perd. Mais malgré tout ça, vous êtes toujours là... - Ne pas jouer me manquerait trop... L'expérience au service du collectif. Inès Jurkovitz n'est pas arrivé au VBC Fribourg avec l'étiquette " d'étrangère de l'équipe " et toutes les responsabilités que cela incombe. Inès Jurkovitz est arrivé sur la pointe des pieds, parce ce qu'elle était là, à Fribourg. Elle est arrivée comme un " petit plus " que toutes les équipes aimeraient pouvoir compter dans leur contingent. Paradoxalement, si vous venez faire un tour du côté du Belluard pendant un match, il n'est pas sûr que vous la remarquiez et pourtant… Pourtant Inès fait partie de ces joueuses, ô combien précieuses, qui commettent peu de fautes directes eu cours d'un match, et qui par conséquent rassurent et stabilisent leur équipe. Certes, on remarque plus des attaques plantées dans les trois mètres ou de puissants services smashés, et c'est bien normal. Mais, la prochaine fois, prenez le temps de regarder son jeu. Vous verrez des réceptions précises et des relances propres, base indispensable à toute construction efficace, des défenses qui semblent faciles, simplement parce qu'elle est bien placée et qu'elle sent le jeu, et des petits conseils discrets pendant le match à ses jeunes coéquipières. Tout cela s'appelle l'expérience. Et ce n'est pas parce que cela ne se voit pas qu'il ne faut pas y prêter attention, bien au contraire. MLS |